What the hell am I doing here
Je passe chaque instant de libre que j'ai avec Louis. Dès que Tom est dans son lit et qu'au moins l'un de leurs pères est là, j'enfile mes tennis et je pars en courant pour le rejoindre. Je me jette dans ses bras, je respire son parfum à m'en donner mal à la tête et je me laisse aller.
Au début, Noah a trouvé ça... Plutôt mignon. C'est le père de Tom – mais pas d'Ophélia. Il est professeur de philo et c'est une crème. Il est absolument adorable avec moi, et quand je lui ai parlé de Louis, il m'a autorisé à partir le rejoindre dès qu'il rentrait du travail. Ce qui fait que pendant une semaine, j'ai pu passer toutes mes soirées avec Louis, à partir de 19h, au lieu de 21h.
Au bout d'une semaine, Adam, le mari de Noah et le père de Tom et d'Ophélia est parti travailler juste quand je rentrais de chez Louis, au petit matin. Comme il rentre tard le soir, je ne l'avais presque pas vu de la semaine. Mais il n'a pas du tout apprécié. Il m'a dit que ce soir, je ne partais certainement pas voir mon petit ami, et qu'il fallait que l'on ait une discussion.
Ça m'a fait redescendre. Et violement. Quand je vois Louis, trois heures plus tard, j'ai la nausée. Je déteste me faire disputer. Ça me rend nerveux. Mes mains se mettent à trembler et je me sens ridicule. Elles tremblent déjà. Je tiens la main de Louis, on marche dans les salles de la National Gallery. Et je tremble et j'ai envie de pleurer. Parce que je n'arrête pas de penser à la colère dans les yeux d'Adam ce matin. Noah est une crème, mais son mari est du genre violent. Pas méchant, plutôt du genre à ne pas savoir contrôler sa colère. Je les aie déjà entendus se disputer, et ça m'a vraiment fait peur. Mes parents étaient comme eux. A s'aimer passionnément et à se disputer tout aussi passionnément. Mais si Adam crie sur moi, je me mettrais à pleurer. Comme quand j'étais petit. Et ça sera horrible.
Louis s'est tout de suite rendu compte que je n'allais pas bien. De toute façon, je n'essaye pas un instant de le cacher. Je lui ai raconté pour Adam, mais je n'ai pas envie d'en parler plus avant. On est arrêté devant les tournesols de Van Gogh, et il me prend dans ses bras.
« Harry ? »
« Hm. »
« Est-ce que tu veux que l'on aille s'asseoir ? »
Je hoche la tête. On traverse deux salles sans regarder les tableaux, il a son bras autour de mes épaules et il me fait m'asseoir sur l'un des espaces de gros canapés qui sont installés au milieu des salles.
« Tu as mangé, ce matin ? »
« Bien sûr que non. »
« Tu ne veux pas qu'on essaye de déjeuner, après le musée ? »
« Non. »
« S'il te plait. »
« Arrête. »
Il détourne la tête, mais il ne laisse pas tomber pour autant.
« Je ne peux pas te laisser sans manger. »
« Tu préfères que je me fasse mal autrement ? »
« Non. »
Alors on se lève. Et je crois qu'il est fâché, un peu. Ou peut être seulement mal à l'aise. Mais il ne me touche pas, et il ne me parle pas non plus. On regarde les tableaux. La National Gallery est absolument immense et on n'a que deux heures devant nous, alors on ne s'arrête pas devant tous les tableaux. On ne s'arrête pas beaucoup, en fait. Je finis par reprendre sa main. Une façon de dire « Je ne suis pas fâché, alors ne le sois pas non plus. »
Et puis on parle. A mi-voix. Une discussion reprise et interrompue entre les toiles. Des mots très lourds murmurés, pour qu'ils passent sans trop blesser.
« Tu te trouves trop gros ? »
« Oui. »
« Ce n'est pas le cas. Et je suis persuadé que si tu te pèses et que tu te mesures, tu as un IMC complètement normal. Tu n'es absolument pas gros. »
« Je l'étais. »
« Et tu as arrêté de manger pour mincir ? »
« En effet. »
« Et tu n'arrives pas à recommencer à manger ? »
« C'est pas ça. »
On se perd un peu entre les salles. Il y en a trop, partout. Trop de tableaux, trop de gens, j'ai mal au c½ur, j'ai faim, j'ai peur de me faire engueuler ce soir et de me mettre à pleurer. En plus, c'est dur de se défendre dans une autre langue. J'ai beau avoir un très bon niveau d'anglais, je perds facilement mes moyens, et dans ce cas, j'oublie mon anglais. Mais ça va aller. Il faut que je respire.
« C'est quoi, alors ? »
« Ca me rassure, de ne pas manger. »
Je lâche sa main. Je m'éloigne de lui. Parce que c'est peut être idiot, mais je n'avais jamais dit ça à personne. Pour Niall, j'essayais juste de maigrir et puis je n'aimais rien, c'est pour ça que je ne mangeais jamais. Mais à l'époque de Niall, j'avais vraiment des kilos à perdre. La raison qui me pousse à continuer, je ne l'avais jamais dite à personne.
Louis ne me poursuit pas. Il me laisse aller et venir, il me laisse le temps de collecter un peu de courage. Quand il sent que je suis prêt, il demande seulement :
« Pourquoi ? »
« Parce que ça me donne l'impression qu'il y a encore quelque chose que je contrôle dans ma vie. »
J'aimerais ne pas avoir à mettre des mots sur ce sentiment, parce que ça le rend encore plus vrai. Et au passage, encore plus idiot. Mes problèmes sont idiots. Et moi, je ne suis qu'un gamin. Je m'excuse.
« Je suis désolé... »
Louis à l'air embêté. Il passe sa main dans mes cheveux et il m'attire contre lui sans rien dire. Je murmure contre le bord de son tee-shirt.
« J'ai vraiment, vraiment l'air d'un gamin à problèmes, quand je dis ça. »
« Il n'y a rien de mal à être un gamin à problèmes. »
« Tu n'as pas à prendre soin de moi. »
« J'en ai envie. »
On sort de la National Gallery. C'est gratuit, de toute façon. On reviendra un autre jour. On. Ce on qui devient permanent. J'ai perdu toute ma solitude. Et je suis fou de faire ça, je suis fou de me jeter corps et âme dans ses bras.
Je suis fou et c'est peut être ça qui va me sauver.
Je ne sais pas comment Louis se débrouille, mais il parvient à me trainer dans un restaurant. En fait, je sais très bien comment il a fait. C'est un Wagamama, et j'ai envie d'essayer quasiment depuis que je suis arrivé à Londres. Et puis c'est plein de légumes. Donc, ça va. A peu près.
Je n'aime pas parler de mes problèmes avec la nourriture. Je suis boulimique. Un joli mot qui sonne comme « malade » et qui évite d'aller plus loin dans la discussion. Je suis boulimique. Voilà. Maintenant, foutez-moi la paix.
Mais pas aujourd'hui, pas avec lui. Alors j'essaye d'expliquer. J'essaye de lui dire exactement ce que je ressens, quand je mange, quand je ne mange pas. Je lui explique ces journées entières à ne penser qu'à ça, à ne pas manger, ne pas manger, ne pas manger. Je lui raconte mes crises, ou j'oubliais que j'étais sensé ne rien avaler et ou en dix minutes, je me gavais des trucs les plus gras et sucrés que je trouvais, avant de m'effondrer en larmes. Je lui parle de la crise quand mon père a vu que j'avais emmené la balance dans ma valise pour Londres, je lui parle de toutes ces choses qui me font honte parce que je n'arrive pas à les trouver autre chose que ridicules. Je lui parle de toutes ces choses et sans même m'en rendre compte, je mange toute ma salade à l'oignon nouveau et au sésame.
Je ne veux rien commander d'autre, après. Alors quand on sert son plat à Louis, il commence à le couper en petit morceaux. Pour me faire gouter. Une bouchée. Et il me parle, et une deuxième. Il me distrait et il m'a fait avaler la moitié de son porc au caramel quand je me rends compte de son manège. Ca fait cinq minutes que je n'ai pas touché à ma fourchette et cinq minutes que je suis le seul à manger.
Je le regarde, pas très gentiment. Il se fiche un peu de moi, là. Du coup je garde la bouche fermée et sa fourchette heurte ma peau. J'ai du caramel sur les lèvres. Et il continue à se comporter comme si tout était normal, il continue à me parler tout en reposant sa fourchette et en prenant sa serviette. Il trempe le bout dans son verre d'eau, et puis il m'essuie la bouche avec. C'est tellement étrange que ça pourrait me faire sourire. Je l'interromps.
« Tu ne me prendrais pas un petit peu pour un bébé ? »
Il repose la serviette et il me regarde très sérieusement.
« Non. »
Il prend une bouchée de viande, lui aussi. Je me demande s'il y a même gouté. Il regarde ailleurs et il dit tout bas :
« Je te prends pour quelqu'un qui a besoin de chaleur et d'attention même s'il ne le dit pas toujours. »
Le soir, je me retrouve assis dans le salon face à Adam. Je n'arrête pas de penser à Louis. Après le restaurant, on est allé chez lui. Parce que ses mots savent me rendre dingue. Ses mots et la timidité qu'il a parfois quand il les dit réveillent chez moi des choses que j'essaye parfois si fort d'enfuir. Alors quand il a dit ça, j'ai eu tellement envie de lui que l'on a pris le métro, même si je ne le prend jamais parce que c'est cher, juste pour pouvoir être plus vite rentrés.
J'ai bloqué ses mains contre le matelas. Je lui ai demandé de ne pas me toucher. J'ai trop de mal avec tout. Je ne voulais pas que l'on s'arrête avant la fin parce que j'aurais eu peur. J'ai grimpé sur lui, je me suis déshabillé. Je l'ai touché, j'ai passé mes mains partout sur lui. Tout doucement. En essayant de ne jamais toucher la limite, le moment où j'aurais brusquement envie d'être seul.
Je me suis allongé contre lui, il m'a tenu dans ses bras. On a fait l'amour tout doucement, tendrement, sans trop longues caresses. Il avait ses mains prises dans les miennes, son visage dans mon cou. C'était comme j'aime, un peu rude, et doux à la fois. Un peu froid, un peu lent, comme faire l'amour dans l'eau.
Alors je suis assis dans le salon, en face d'Adam. Mais cet après-midi j'ai fait l'amour. J'avais peur, mais j'ai réussi. Alors je me sens bien. Je suis prêt. Je n'ai pas peur.
Et quand Adam me fait la leçon sur mes horaires que je ne respecte pas, je ne tremble pas. Je m'excuse, je dis que ça ne se reproduira pas. Il me demande de ne pas découcher durant la semaine, me rappelle qu'il est dangereux pour la sécurité de ses enfants que je m'en occupe si je n'ai pas dormi. Je m'excuse encore et il me dit qu'il est très content que je sois chez eux, et qu'à part ça, tout se passe bien. Et Noah me propose d'inviter Louis à diner.
Et quand je vais me coucher, je suis heureux. Vraiment heureux.
Au début, Noah a trouvé ça... Plutôt mignon. C'est le père de Tom – mais pas d'Ophélia. Il est professeur de philo et c'est une crème. Il est absolument adorable avec moi, et quand je lui ai parlé de Louis, il m'a autorisé à partir le rejoindre dès qu'il rentrait du travail. Ce qui fait que pendant une semaine, j'ai pu passer toutes mes soirées avec Louis, à partir de 19h, au lieu de 21h.
Au bout d'une semaine, Adam, le mari de Noah et le père de Tom et d'Ophélia est parti travailler juste quand je rentrais de chez Louis, au petit matin. Comme il rentre tard le soir, je ne l'avais presque pas vu de la semaine. Mais il n'a pas du tout apprécié. Il m'a dit que ce soir, je ne partais certainement pas voir mon petit ami, et qu'il fallait que l'on ait une discussion.
Ça m'a fait redescendre. Et violement. Quand je vois Louis, trois heures plus tard, j'ai la nausée. Je déteste me faire disputer. Ça me rend nerveux. Mes mains se mettent à trembler et je me sens ridicule. Elles tremblent déjà. Je tiens la main de Louis, on marche dans les salles de la National Gallery. Et je tremble et j'ai envie de pleurer. Parce que je n'arrête pas de penser à la colère dans les yeux d'Adam ce matin. Noah est une crème, mais son mari est du genre violent. Pas méchant, plutôt du genre à ne pas savoir contrôler sa colère. Je les aie déjà entendus se disputer, et ça m'a vraiment fait peur. Mes parents étaient comme eux. A s'aimer passionnément et à se disputer tout aussi passionnément. Mais si Adam crie sur moi, je me mettrais à pleurer. Comme quand j'étais petit. Et ça sera horrible.
Louis s'est tout de suite rendu compte que je n'allais pas bien. De toute façon, je n'essaye pas un instant de le cacher. Je lui ai raconté pour Adam, mais je n'ai pas envie d'en parler plus avant. On est arrêté devant les tournesols de Van Gogh, et il me prend dans ses bras.
« Harry ? »
« Hm. »
« Est-ce que tu veux que l'on aille s'asseoir ? »
Je hoche la tête. On traverse deux salles sans regarder les tableaux, il a son bras autour de mes épaules et il me fait m'asseoir sur l'un des espaces de gros canapés qui sont installés au milieu des salles.
« Tu as mangé, ce matin ? »
« Bien sûr que non. »
« Tu ne veux pas qu'on essaye de déjeuner, après le musée ? »
« Non. »
« S'il te plait. »
« Arrête. »
Il détourne la tête, mais il ne laisse pas tomber pour autant.
« Je ne peux pas te laisser sans manger. »
« Tu préfères que je me fasse mal autrement ? »
« Non. »
Alors on se lève. Et je crois qu'il est fâché, un peu. Ou peut être seulement mal à l'aise. Mais il ne me touche pas, et il ne me parle pas non plus. On regarde les tableaux. La National Gallery est absolument immense et on n'a que deux heures devant nous, alors on ne s'arrête pas devant tous les tableaux. On ne s'arrête pas beaucoup, en fait. Je finis par reprendre sa main. Une façon de dire « Je ne suis pas fâché, alors ne le sois pas non plus. »
Et puis on parle. A mi-voix. Une discussion reprise et interrompue entre les toiles. Des mots très lourds murmurés, pour qu'ils passent sans trop blesser.
« Tu te trouves trop gros ? »
« Oui. »
« Ce n'est pas le cas. Et je suis persuadé que si tu te pèses et que tu te mesures, tu as un IMC complètement normal. Tu n'es absolument pas gros. »
« Je l'étais. »
« Et tu as arrêté de manger pour mincir ? »
« En effet. »
« Et tu n'arrives pas à recommencer à manger ? »
« C'est pas ça. »
On se perd un peu entre les salles. Il y en a trop, partout. Trop de tableaux, trop de gens, j'ai mal au c½ur, j'ai faim, j'ai peur de me faire engueuler ce soir et de me mettre à pleurer. En plus, c'est dur de se défendre dans une autre langue. J'ai beau avoir un très bon niveau d'anglais, je perds facilement mes moyens, et dans ce cas, j'oublie mon anglais. Mais ça va aller. Il faut que je respire.
« C'est quoi, alors ? »
« Ca me rassure, de ne pas manger. »
Je lâche sa main. Je m'éloigne de lui. Parce que c'est peut être idiot, mais je n'avais jamais dit ça à personne. Pour Niall, j'essayais juste de maigrir et puis je n'aimais rien, c'est pour ça que je ne mangeais jamais. Mais à l'époque de Niall, j'avais vraiment des kilos à perdre. La raison qui me pousse à continuer, je ne l'avais jamais dite à personne.
Louis ne me poursuit pas. Il me laisse aller et venir, il me laisse le temps de collecter un peu de courage. Quand il sent que je suis prêt, il demande seulement :
« Pourquoi ? »
« Parce que ça me donne l'impression qu'il y a encore quelque chose que je contrôle dans ma vie. »
J'aimerais ne pas avoir à mettre des mots sur ce sentiment, parce que ça le rend encore plus vrai. Et au passage, encore plus idiot. Mes problèmes sont idiots. Et moi, je ne suis qu'un gamin. Je m'excuse.
« Je suis désolé... »
Louis à l'air embêté. Il passe sa main dans mes cheveux et il m'attire contre lui sans rien dire. Je murmure contre le bord de son tee-shirt.
« J'ai vraiment, vraiment l'air d'un gamin à problèmes, quand je dis ça. »
« Il n'y a rien de mal à être un gamin à problèmes. »
« Tu n'as pas à prendre soin de moi. »
« J'en ai envie. »
On sort de la National Gallery. C'est gratuit, de toute façon. On reviendra un autre jour. On. Ce on qui devient permanent. J'ai perdu toute ma solitude. Et je suis fou de faire ça, je suis fou de me jeter corps et âme dans ses bras.
Je suis fou et c'est peut être ça qui va me sauver.
Je ne sais pas comment Louis se débrouille, mais il parvient à me trainer dans un restaurant. En fait, je sais très bien comment il a fait. C'est un Wagamama, et j'ai envie d'essayer quasiment depuis que je suis arrivé à Londres. Et puis c'est plein de légumes. Donc, ça va. A peu près.
Je n'aime pas parler de mes problèmes avec la nourriture. Je suis boulimique. Un joli mot qui sonne comme « malade » et qui évite d'aller plus loin dans la discussion. Je suis boulimique. Voilà. Maintenant, foutez-moi la paix.
Mais pas aujourd'hui, pas avec lui. Alors j'essaye d'expliquer. J'essaye de lui dire exactement ce que je ressens, quand je mange, quand je ne mange pas. Je lui explique ces journées entières à ne penser qu'à ça, à ne pas manger, ne pas manger, ne pas manger. Je lui raconte mes crises, ou j'oubliais que j'étais sensé ne rien avaler et ou en dix minutes, je me gavais des trucs les plus gras et sucrés que je trouvais, avant de m'effondrer en larmes. Je lui parle de la crise quand mon père a vu que j'avais emmené la balance dans ma valise pour Londres, je lui parle de toutes ces choses qui me font honte parce que je n'arrive pas à les trouver autre chose que ridicules. Je lui parle de toutes ces choses et sans même m'en rendre compte, je mange toute ma salade à l'oignon nouveau et au sésame.
Je ne veux rien commander d'autre, après. Alors quand on sert son plat à Louis, il commence à le couper en petit morceaux. Pour me faire gouter. Une bouchée. Et il me parle, et une deuxième. Il me distrait et il m'a fait avaler la moitié de son porc au caramel quand je me rends compte de son manège. Ca fait cinq minutes que je n'ai pas touché à ma fourchette et cinq minutes que je suis le seul à manger.
Je le regarde, pas très gentiment. Il se fiche un peu de moi, là. Du coup je garde la bouche fermée et sa fourchette heurte ma peau. J'ai du caramel sur les lèvres. Et il continue à se comporter comme si tout était normal, il continue à me parler tout en reposant sa fourchette et en prenant sa serviette. Il trempe le bout dans son verre d'eau, et puis il m'essuie la bouche avec. C'est tellement étrange que ça pourrait me faire sourire. Je l'interromps.
« Tu ne me prendrais pas un petit peu pour un bébé ? »
Il repose la serviette et il me regarde très sérieusement.
« Non. »
Il prend une bouchée de viande, lui aussi. Je me demande s'il y a même gouté. Il regarde ailleurs et il dit tout bas :
« Je te prends pour quelqu'un qui a besoin de chaleur et d'attention même s'il ne le dit pas toujours. »
Le soir, je me retrouve assis dans le salon face à Adam. Je n'arrête pas de penser à Louis. Après le restaurant, on est allé chez lui. Parce que ses mots savent me rendre dingue. Ses mots et la timidité qu'il a parfois quand il les dit réveillent chez moi des choses que j'essaye parfois si fort d'enfuir. Alors quand il a dit ça, j'ai eu tellement envie de lui que l'on a pris le métro, même si je ne le prend jamais parce que c'est cher, juste pour pouvoir être plus vite rentrés.
J'ai bloqué ses mains contre le matelas. Je lui ai demandé de ne pas me toucher. J'ai trop de mal avec tout. Je ne voulais pas que l'on s'arrête avant la fin parce que j'aurais eu peur. J'ai grimpé sur lui, je me suis déshabillé. Je l'ai touché, j'ai passé mes mains partout sur lui. Tout doucement. En essayant de ne jamais toucher la limite, le moment où j'aurais brusquement envie d'être seul.
Je me suis allongé contre lui, il m'a tenu dans ses bras. On a fait l'amour tout doucement, tendrement, sans trop longues caresses. Il avait ses mains prises dans les miennes, son visage dans mon cou. C'était comme j'aime, un peu rude, et doux à la fois. Un peu froid, un peu lent, comme faire l'amour dans l'eau.
Alors je suis assis dans le salon, en face d'Adam. Mais cet après-midi j'ai fait l'amour. J'avais peur, mais j'ai réussi. Alors je me sens bien. Je suis prêt. Je n'ai pas peur.
Et quand Adam me fait la leçon sur mes horaires que je ne respecte pas, je ne tremble pas. Je m'excuse, je dis que ça ne se reproduira pas. Il me demande de ne pas découcher durant la semaine, me rappelle qu'il est dangereux pour la sécurité de ses enfants que je m'en occupe si je n'ai pas dormi. Je m'excuse encore et il me dit qu'il est très content que je sois chez eux, et qu'à part ça, tout se passe bien. Et Noah me propose d'inviter Louis à diner.
Et quand je vais me coucher, je suis heureux. Vraiment heureux.
